L’exposition rétrospective de 1931 ou la création du musée du Noyonnais

L’exposition rétrospective de 1931 ou la création du musée du Noyonnais

Présentée de mai à septembre 1931 à l’hôtel de ville, l’exposition rétrospective du Noyonnais, riche d’objets prêtés ou provenant de legs d’amateurs ou empruntés aux monuments de la ville, préfigure celle du musée municipal.

Une longue élaboration


Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la ville de Noyon est en grande partie détruite. Les destructions étaient telles que les habitants eux-mêmes s’employèrent à étudier les moyens de constituer un musée où pourraient être réunie la mémoire du temps passé. Ce fut l’objet de la commission présidée par le docteur Albert Gorecki, rattachée au Comité archéologique, historique et scientifique de Noyon, association créée en 1856 (aujourd’hui la Société Historique, Archéologique et Scientifique de Noyon). Ainsi, du 19 septembre au 21 novembre 1920, une exposition s’ouvrit dans la bibliothèque du Chapitre réunissant plusieurs centaines d’œuvres de guerre du peintre Fernand Combes. La longue reconstruction de la ville fit sommeiller le projet de musée jusque dans les années 1930.


Le 15 mars 1930, le maire de Noyon, Jules Magnier, provoqua une réunion dans la salle provisoire du conseil municipal installé dans l’ancien collège, rue Paul Bert, de plusieurs personnalités susceptibles de créer un musée où « seraient rassemblés les souvenirs de l’occupation allemande [de 1914 à 1917] ». Le projet s’accéléra lorsque Jules Magnier donna communication au Comité archéologique d’une lettre d’André Girodie, conservateur du musée franco-américain de Blérancourt concernant un legs important pour la création d’un musée dans une ville dévastée.


Déclinant l’offre de legs vu le caractère spécial du musée national de la coopération franco-américaine, André Girodie avait pensé à la ville de Noyon si celle-ci pouvait disposer d’un emplacement pour la création d’un musée. Très vite, un comité du musée du Noyonnais se constitua sous la présidence de Jules Magnier, d’Octave Jourdain, président du Comité archéologique et de Philippe Bourdeaux et Achille Granthomme, membres du Comité archéologique. L’administration des Beaux-arts ayant accepté de modifier les projets d’aménagement intérieur de l’ancien évêché en vue de son affectation en futur musée municipal, les travaux furent accélérés. En attendant, le comité décida la création d’une Exposition rétrospective du Noyonnais afin de nourrir le projet final de musée. Les organisateurs, par l’intermédiaire de son commissaire-délégué André Girodie, firent appel aux nombreux collectionneurs et amateurs d’art pour exposer leurs œuvres dans le nouveau bâtiment de l’hôtel de ville.

L’exposition préfigure le futur musée

Ouverte du 14 mai au 30 septembre 1931, l’exposition présenta des objets de toute nature se rapportant à Noyon et à ses environs. Dans le vestibule d’entrée furent présentés des fragments de la sculpture religieuse du Noyonnais telle qu’une statue en bois de Saint Médard du XVIème siècle provenant de la cathédrale. De nombreuses peintures de Fernand Combes, Paul Lauté et Paul Ledoux notamment furent accrochées dans l’escalier d’honneur du nouvel hôtel de ville. A l’étage, dans le vestibule et dans la salle des mariages, d’anciens documents topographiques et iconographiques couvraient les murs : des plans du vieux Noyon, des lithographies diverses et des portraits d’évêques notamment. Plusieurs ouvrages religieux de la bibliothèque du Chapitre prirent places dans des vitrines. On présenta également des portraits de plusieurs personnalités de la région ou des documents les concernant : des travaux du sculpteur Jacques Sarazin prêtés par le musée de Beauvais et le Louvre, des portraits du réformateur Jean Calvin prêtés par la Société de l’histoire du protestantisme français, une peinture représentant Catherine Vassent, héroïne du XVIIIème siècle, appartenant à un particulier ou encore le buste d’Ernest Noël, ancien maire de Noyon pendant la Grande Guerre. Afin d’évoquer la tradition de la rosière de Salency, la Manufacture de Sèvres avait envoyé une épreuve de son biscuit (faïence cuite) du Couronnement de la rosière. D’autres vitrines firent référence à la Première Guerre mondiale grâce aux prêts de collectionneurs : ordres, réquisitions, cartes postales, photographies, etc. Dans la même salle avait été exposé le legs des héritiers d’Hélène Porgès, poétesse parisienne : des bustes, des meubles des XVème et XVIème siècles, des tapisseries de Bruxelles et des Flandres du XVIIème siècle, des broderies italiennes du XVIIème siècle, des peintures des XVIème et XVIIIème siècles. 

C’est là que le 14 juillet le sous-secrétaire d’Etat des Beaux-arts, Maurice Petsche, qui par sa présence, donna ainsi une reconnaissance officielle au musée naissant. L’exposition connut un vif succès. Au lendemain de la présentation, le comité poursuivit son travail dans la création du musée. 


Si la ville obtint, en 1936, 282 tableaux du peintre Joseph-Félix Bouchor présentés aux Noyonnais d’août à septembre 1936 dans la salle des fêtes, le musée du Noyonnais ne fut inauguré que le 9 août 1948 à l’occasion du centenaire de la révolution de 1848, dans l’ancien palais de l’Evêque. 


Le legs d’Hélène Porgès est aujourd’hui visible en partie au musée du Noyonnais et dans les salons de l’hôtel de ville. 


Illustrations : Coll. SHASN et Catherine Platel.

Fabien Crinon

Secrétaire de la Société historique, archéologique et scientifique de Noyon


(Article publié dans le Vivre Noyon, n°93, juillet-août 2018)

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