Le brasero de la cathédrale

Le brasero de la cathédrale de Noyon

Le réchaud à braises ou brasero de la cathédrale Notre-Dame a rejoint en 2012 la célèbre collection de mobilier médiéval de la Ville exposée au musée du Noyonnais. Par comparaison avec les pièces « bois et fer » (dont les coffres à pentures du Trésor de la cathédrale), les collections purement métalliques sont moins connues mais tout aussi riches. Ce brasero, déposé au musée à des fi ns de présentation au public et de conservation préventive, en est assurément désormais l’une des pièces majeures.

Il est classé Monument historique le 25 février 1899, en même temps que la cloche dite de sainte Godeberthe, conservée encore aujourd’hui à Noyon, et un autre brasero picard qui est l’un des rares éléments à rapprocher de notre objet, celui de la cathédrale de Beauvais (16ème  s.). Daté traditionnellement de la 1ère  moitié du 14ème siècle, il a connu un usage liturgique jusqu’en 2009, soit près de sept siècles de bons et loyaux services ! Il peut néanmoins être parfois réutilisé si l’affectataire (M. l’Archiprêtre de la cathédrale), qui l’a confié à son propriétaire, la Ville, souhaite en  user  pour  certaines  occasions  liturgiques  ; un  protocole  d’utilisation  destiné  à  éviter  en particulier une nouvelle attaque de corrosion est alors observé. Il a en effet été restauré au centre Conservare de Compiègne par la Ville en 2010, et nécessite aujourd’hui d’être protégé au mieux. Le  service  serrurerie  de  la  Ville  a  réalisé  en contrepartie un brasero permettant de continuer à préparer les charbons pour l’encensement et d’en récupérer les cendres à la fin de l’office, ce qui était le dernier usage connu de notre brasero ici présent.

La salle du Trésor de la cathédrale de Noyon avant 1918 ; on reconnait, au premier plan à gauche, le brasero. Musées de Noyon.

Qu'est-ce qu'un brasero ?

Un brasero, dans son usage civil, est un appareil de chauffage portatif connu depuis l’Antiquité, et fonctionnant généralement à base de charbon de bois. Au Moyen-âge,  il  est souvent monté sur pieds et muni de poignées pour le déplacer d’une pièce à l’autre. Il est alors utilisé comme mobilier d’appoint pour compléter le chauffage de la demeure, dont le foyer ne chauffe souvent qu’une seule pièce ; les cheminées sont encore l’apanage des milieux aisés, au 14ème s.. Nous ne savons pas si le brasero de Noyon a été réalisé pour le domaine civil puis intégré au domaine religieux, ou s’il a été conçu spécialement pour la fabrique de la cathédrale. Car le fait est que nous ne savons pas depuis quand il est présent à Noyon, et moins encore où il a été forgé et assemblé. Il semble bien que ce soit l’inventaire révolutionnaire de 1790 qui le cite pour la première fois, sous le terme de réchaud, quand l’inventaire en latin de 1402 ne semble rien en dire.

Ses usages


Les usages anciens possibles de ce brasero dans la cathédrale vont de l’allumage du feu nouveau lors de la veillée de Pâques, à celui de dispositif de chauffage dans de petites pièces (revestiaire ou sacristie, par exemple), en passant par ce qui fut donc son dernier usage connu, la manipulation des charbons d’encensement. La célébration de la Vigile pascale commence en effet par la bénédiction du feu nouveau : un grand feu est allumé devant l’église ou à l’intérieur. Le prêtre allume alors le(s) cierge(s) pascal(s) directement au feu nouveau ou avec une flamme en provenant, et les fidèles entrant dans l’église allument leur cierge au cierge pascal. Notre brasero était donc probablement utilisé directement, comme récipient de préparation du foyer, ou indirectement, en recevant une partie des braises d’un foyer plus grand. Nous ne pouvons pas dire, aujourd’hui, quand cette utilisation pour la liturgie pascale a cessé.

La réalisation du brasero


Il est fait de deux alliages métalliques : à base de cuivre pour la caisse du foyer, à base de fer pour le reste. Si par sa facture, il évoque bien le 14ème s., on note toutefois quelques ajouts postérieurs. Une caisse supplémentaire (19 ou 20ème s.) était d’ailleurs venue doubler celle en cuivre : on l’a ôtée lors de la restauration, afin de rendre à l’objet sa lisibilité médiévale. En cette 1ère moitié du 14ème s., le serrurier (nous employons ce terme génériquement, car l’on distingue encore mal pour cette époque les frontières attributives des travaux entre les métiers de la forge) travaille encore la plupart du temps le métal à chaud, chaque pièce étant encore façonnée quasi centimètre par centimètre. On n’usine pas encore (ou rarement : seulement pour les clés et serrures) le métal au burin ou à la lime, par coupe du métal à froid, travail rendu possible au 15ème s. par la production de fer ou de tôle en plaque de diverses épaisseurs permettant des décors repercés. Enfin, on distingue sur ce brasero différents types de liaison ou d’assemblage : par soudure à chaude portée ou encollage du fer (le fer a la faculté sous l’action du feu de se souder lui-même), comme pour les branches des roues ; par rivetage (caisse et barreaux) ; par clavetage (avantage du démontage facile), avec ici des clavettes à tête en boucle ; par filetage pour les cabochons tournés, qui désignent au moins la fin du Moyen-Age.


Benjamin Findinier, ancien directeur des musées de Noyon


(Article publié dans le Vivre Noyon, n°45, mai 2012)

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